Prise en charge des urgences chirurgicales gastro-intestinales : ce qui se fait actuellement
À l'heure actuelle, la plupart des patients qui bénéficient d’une intervention chirurgicale en urgence ne bénéficient pas d'un programme prédéterminé pour les soins pré-, per- et postopératoires, alors même que l'intervention chirurgicale d'urgence est un facteur de risque indépendant de mortalité et de morbidité. Les parcours rapides dédiés aux urgences chirurgicales ont prouvé leur valeur : un temps d'attente plus court pour les patients, un taux de mortalité postopératoire plus faible, un taux d'occupation des salles d'opération plus élevé, une proportion plus faible d'opérations tardives et un niveau de satisfaction plus élevé parmi le personnel infirmier et chirurgical.
La réhabilitation améliorée en chirurgie (RAC)
La RAC est un ensemble de mesures pré-, per- et postopératoires visant à réduire les dommages physiologiques causés par la chirurgie et à améliorer les résultats postopératoires (optimisation de l'état nutritionnel, période de jeûne plus courte, absence de prémédication systématique, explication des principes de l'ERAS au patient, préférence initiale pour une voie peu invasive, limitation des fluides intraveineux, protocoles d'analgésie appropriés, prévention de l'hypothermie, limitation de l'utilisation des opioïdes et du drainage, mobilisation plus précoce et réalimentation orale plus précoce). En chirurgie digestive, la RAC contribue à réduire le taux de complications, la durée moyenne du séjour et les coûts, et est devenue une référence (www.grace-asso.fr).
Dispositifs d’e-santé et intelligence artificielle (IA) pour optimiser la prise en charge des patients en situation d'urgence chirurgicale
Une récente analyse de la littérature a montré que les dispositifs sans fil et les applications pour smartphones étaient les stratégies les plus fréquemment évaluées dans la recherche sur les soins de santé numériques ou les soins de santé en ligne (dans 50 % des cas pour les maladies cardiovasculaires). La télésurveillance semble optimiser les soins aux patients et l'efficacité des traitements, mais elle doit être évaluée dans le cadre des soins postopératoires et de la chirurgie. Le suivi hospitalier ou ambulatoire peut être réalisé en temps réel par des dispositifs de santé numérique, qui prédisent au plus tôt la survenue d'une dégradation clinique. Ce suivi est avantageux en termes d'amélioration des résultats pour les patients et de « rentabilité », en raison de la diminution des séjours hospitaliers coûteux qui auraient résulté de la détection tardive de complications ou même de la non-détection d'une détérioration. L'utilisation de la surveillance automatique et la prédiction de la dégradation par les technologies de l'IA peuvent apporter des améliorations dans la prise en charge des patients à condition qu'elles soient considérées comme un ensemble d'outils d'aide à la décision et comme un "outil de décision". Ainsi, comme le recommandent le Comité consultatif national sur le traitement de l'information en recherche médicale et le Comité national de pilotage pour l'éthique numérique, "les équipes soignantes et les patients ne doivent pas être privés des avantages procurés par ces outils, à condition qu'ils aient toujours les moyens de prendre du recul et de relativiser le résultat fourni" (www.ccne-ethique.fr). L'humain supervise l'algorithme et l'utilise au bénéfice du patient. Cette supervision devra être exercée tout au long du projet, de la conception à l'utilisation courante.
Utilisation d'un score de gradation des urgences pour optimiser la performance organisationnelle de cette filière de soins spécifique
Les taux de morbidité et de mortalité postopératoires sont plus élevés pour la chirurgie d'urgence que pour la chirurgie élective : le taux de mortalité postopératoire est d'environ 10 % et le taux de complications postopératoires est de 50 %. Les pierres angulaires d'un modèle organisationnel structuré et efficace axé sur la chirurgie d'urgence sont l'expertise chirurgicale, la rapidité de la prise de décision, la performance organisationnelle et les compétences cliniques. La performance organisationnelle est l'élément le plus important et implique la gradation des différents types d'urgences chirurgicales, établie par un panel d'experts anesthésistes et chirurgiens. La classification des urgences chirurgicales permet de hiérarchiser ces dernières de manière objective et consensuelle, ce qui permet de limiter le délai d'intervention et donc les complications post-opératoires et la mortalité. Plusieurs classifications ont été décrites ces dernières années. La première est issue de la National Confidential Enquiry into Patient Outcome and Death (NCEPOD), qui décrit le délai idéal d'intervention chirurgicale (iTTS), c'est-à-dire l'intervalle de temps idéal entre le diagnostic de la maladie nécessitant une intervention chirurgicale et l'incision au bloc opératoire. Cependant, les catégories nominales d'urgence ("urgent", "très urgent", "relativement urgent", etc., plutôt qu'un score numérique) ont rendu les classifications du NCEPOD difficiles à utiliser. La classification la plus connue est la classification TACS (Timing of Acute Care Surgery),
Au CHU Amiens-Picardie, nous avons élaboré un score de gradation des urgences chirurgicales qui produit des iTTS. Une étude rétrospective publiée portant sur 800 patients a montré que le respect de ce classement influençait les taux de morbidité et de mortalité postopératoires, le taux de mortalité à un an et la durée de séjour.
Le but du projet RAUC est donc d'optimiser (personnaliser) le parcours de soins des patients présentant une urgence chirurgicale digestive en appliquant une combinaison innovante : appliquer la RAC à la chirurgie d'urgence (première innovation), et fournir une récupération améliorée via la création d'un algorithme de sélection des patients avec l'intelligence artificielle, un score de classement d'urgence, et l'intégration des technologies de e-santé (deuxième innovation).
Critères relatifs aux patients : réduction des complications, de la durée de séjour, du taux d'hospitalisations non programmées, augmentation de la vitesse de retour à l'activité antérieure et de la qualité de vie globale.
Critères de parcours : simplification du parcours de soins (% de patients opérés ne passant pas par les urgences), réduction de la durée cumulée de séjour, du temps passé aux urgences et du nombre d'unités de soins fréquentées, des visites à l'hôpital, optimisation des procédures de sortie.
Critères institutionnels : impact médico-économique évalué par la diminution du ratio coût-efficacité incrémental.
Critères RAC : Amélioration du taux de conformité à la RAC.
Critères relatifs aux technologies de l'e-santé : en phase extra-hospitalière, validation de la plateforme CORTEX développée par Medtronic, adaptée au contexte de l'urgence, plateforme d'intermédiation, d'interopérabilité et d'orchestration du parcours de soins RAUC et des dispositifs d'e-santé associés : Plateforme ROFIM® (plateforme collaborative de télé-expertise), LumiraDx® (automate portable de biologie immédiate de nouvelle génération), Get Ready® (solution numérique de prise en charge du patient à distance), RDS®. L'objectif est de faciliter le suivi du patient en dehors de l'hôpital et d'améliorer la coordination des soins entre la ville et l'hôpital. Phase intra-hospitalière : évaluation de la solution de préconditionnement DEEPSEN® (système d'enregistrement vidéo), et apport du Digital Surgery® box (système d'enregistrement vidéo chirurgical).
Critères Personnel impliqué : amélioration de la Qualité de Vie au Travail.
Critère Empreinte carbone du parcours RAUC : étude de l'empreinte carbone et des facteurs d'émission du parcours RAUC.
Critères Technologies de santé en e-learning (plateforme SimUSanté) : évaluation des modules d'enseignement numérique en santé pour les patients, les aidants et les structures de soins de sortie.
Écosystème territorial de santé : amélioration de la coordination des soins entre les médecins urgentistes du GHT (groupement hospitalier de territoire), amélioration de l'expérience utilisateur.
A long terme, les perspectives cliniques après le RAUC RHU seront de valider et de diffuser le parcours RAUC au sein de l'établissement vers d'autres spécialités chirurgicales dans le contexte des urgences et des soins programmés.
Les partenaires du RHU RAUC sont :
- Le CHU Amiens Picardie (comprenant le service de chirurgie digestive ; le service d’anesthésie et réanimation ; le service des urgences ; la radiologie ; le CBH ; la DRCI ; la DSN ; SimUSanté).
- MEDTRONIC (leader mondial des technologies, services et solutions pour le secteur médical).
- RDS (associe les technologies de biocapteurs les plus performantes aux derniers développements de la médecine numérique et prédictive, et donne vie à la nouvelle génération de solutions de surveillance des patients).
- L’Université de Picardie Jules Verne, avec les unités de recherches SSPC et MIS.
Les prestataires sont :
- Primum Non Nocere (analyse des impacts environnementaux)
- LumiraDX (biologie délocalisée au domicile par automate portable)
- Anticipe (unité Inserm sur les axes sociaux)
- Deepsen (solution de sédation-analgésie utilisant la réalité virtuelle)
- URC ECO, unité de recherche clinique en économie de la santé
- ROFIM (plateforme pluridisciplinaire qui réunit expertises des praticiens, technologie dédiée aux analyses et imagerie médicale pour délivrer un diagnostic plus rapidement aux patients).